Les fortes pluies qui arrosent ces dernières semaines l'Etat brésilien du Mato Grosso do Sul entraînent une épidémie de dengue sans précédent. "Notre Etat concentre au moins 90 % des cas de dengue du pays", affirme le quotidien O Progresso. "Déjà plus de 10 000 cas ont été recensés, pour la plupart dans la capitale, Campo Grande."
Devant la gravité des faits, la police est intervenue en verbalisant les habitants coupables des négligences à l'origine de la prolifération du moustique, tel l'abandon d'eaux stagnantes ou d'ordures sur la voie publique. "C'est dans l'eau que le moustique pond ses œufs", nous rappelle le colonel Valmir Santos, directeur de l'hôpital régional de Campo Grande.
Fúlvio Ramos, policier à Campo Grande, approuve les mesures répressives. "Malheureusement certains n'adoptent pas les comportements indispensables. Pour ceux qui font exprès de ne pas comprendre ou qui ont besoin de menaces pour agir, l'amende reste une bonne solution. Ici, la responsabilisation individuelle n'existe pas." Ce que confirme Ubiratan Arruda, qui, après avoir été cloué deux semaines sur son lit d'hôpital par le moustique aedes, voit finalement son état s'améliorer : "Je pense que ces mesures ont beaucoup trop tardé ! Cet Etat est devenu une zone dangereuse pour tout le monde, pour l'habitant comme pour le touriste. Au Brésil, le citoyen n'apprend que si les autorités sévissent."
Le colonel Valmir Santos, pour sa part, se montre moins catégorique, bien qu'il admette, lui aussi, l'existence d'un certain laisser-aller brésilien. "Je ne crois pas que faire payer des amendes soit une solution. Peut-être que ça peut éviter quelques délits, mais je crois qu'il faut bien comprendre que le problème est une question d'éducation, de prise de conscience et de changement des mentalités." Ce qui rappelle le récent slogan d'une campagne locale de prévention : "Pour arrêter la dengue, ni l'eau ni vous ne pouvez rester immobiles."
Contrairement à nos idées reçues, Fúlvio souligne qu'il "serait faux de penser que l'on fait payer les plus modestes pour les plus aisés. C'est même plutôt l'inverse qui se produit. La plupart des lieux infestés par le moustique sont insalubres parce qu'ils appartiennent à de riches propriétaires qui les délaissent parce qu'ils ont une autre résidence principale. Les familles humbles, au contraire, construisent dès qu'elles deviennent propriétaires et ne peuvent pas se payer le luxe de garder des terrains vagues ou des habitations vides."
Et le colonel Valmir Santos d'ajouter : "Il n'existe aucun lien entre la contamination et le standing d'un quartier. Pauvre ou riche, le vecteur de propagation demeure le même, à savoir les eaux stagnantes."
Dans quelques années, ces polémiques ne seront probablement qu'un lointain souvenir. Pour le directeur de l'hôpital, il ne fait aucun doute qu'un vaccin est en route. "J'en suis persuadé, nous aurons un vaccin disponible d'ici les cinq prochaines années. Le moustique de la dengue est semblable à celui de la fièvre jaune, on attend donc des progrès très rapides." Son espoir semble s'étendre à l'ensemble du secteur médical. "Depuis trente ans que j'exerce, l'informatisation, les diagnostics, tout l'équipement et le professionnalisme des personnels médicaux ont progressé. Et la recherche aussi, bien sûr… Vous savez, la médecine au Brésil a franchi un palier."
Répondant à notre question sur le rôle éventuel du gouvernement Lula dans l'amélioration du système de soins, Fúlvio, notre policier, l'admet volontiers : "L'administration Lula a amélioré la situation. Je ne suis ni pétiste [affilié au PT, Parti des travailleurs] ni supporter de Lula, mais je dois reconnaître que la situation progresse chaque année depuis que ce gouvernement est en place."
De son côté, Valmir Santos ne croit pas que cette amélioration doive être attribuée au gouvernement Lula, ou à aucun autre gouvernement. "En plus des progrès médicaux, c'est surtout l'éducation qui fait la différence depuis quelques années. Je vois une corrélation très forte entre le système de santé et les politiques de développement. Un chômeur est bien plus susceptible de tomber malade qu'un actif. L'effort actuel est nettement porté vers l'humanisation de la médecine." Des progrès bienvenus, quand on sait qu'au Brésil subsistent toujours de nombreuses maladies tropicales, au premier rang desquelles la fièvre jaune et le paludisme.
Article publié à l'origine dans Le monde du papier libre le 05/02/07, http://www.papierlibre.fr/home.swf

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