Le saccage du Congrès à Brasilia par le Mouvement de libération des sans terre (MLST) le 6 juin 2006, a remis la question paysanne à l’ordre du jour. Mais qu’est-ce donc que ce Mouvement, responsable de l’épisode ? Cette action n’est-elle pas de nature à aggraver la criminalisation des mouvements sociaux ? Ne jette-t-elle pas, à la veille des élections présidentielles d’octobre, un écran de fumée sur le bilan calamiteux du gouvernement Lula sur la réforme agraire ?

Que s’est-il passé le 6 juin ?

Le mardi 6 juin, 539 sans terre - dont 42 enfants - se réclamant du Mouvement de libération des sans terre (MLST), entraient d’abord dans l’annexe 2 des commissions de la Chambre des députés du Parlement fédéral à Brasilia, avant de pénétrer dans le Salon Vert principal. Mal contenue, cette manifestation « fourre-tout » (travail esclave, budget fédéral, réforme agraire) tournait rapidement à la destruction de vitres et de mobilier. Les manifestants renversaient finalement une automobile - objet d’une loterie en faveur des personnels - sur les vitres d’un hall. L’affrontement avec le service d’ordre se soldait par une vingtaine de blessés. [1]

Aldo Rebelo (PCdB), président de la chambre, a condamné cette manifestation, aux « méthodes violentes » de « déprédation du patrimoine public », ayant blessé des « innocents sans défense ». « Nous ne pouvons pas admettre l’usage de la violence à l’intérieur des dépendances de la Chambre ».

Dans la confusion, les parlementaires proches des mouvements paysans, n’ont pu cacher leur désappointement et ont tenté d’organiser une négociation entre les manifestants, le Depol (Département de la police législative) et la présidence de la Chambre. De leur côté, le groupe parlementaire et la Commission exécutive du Parti des travailleurs (PT) ont aussitôt publié des communiqués, se prévalant de « l’autorité de ceux qui se sont toujours opposés aux tentatives de criminaliser les mouvements sociaux ». Ils déclarèrent « que la violence et le vandalisme pratiqués à la Chambre ne servent les objectifs d’aucun mouvement social ».

Qu’est-ce que le MLST ?

B.M.Fernandes - géographe du NERA-DATALUTA [2] - a rappelé qu’il existe 63 mouvements paysans identifiés au Brésil, réunissant au total 100.000 familles, dont la moitié pour le MST. Les deux seuls mouvements qui ont une action nationale sont le MST et la CONTAG (Confédération nationale des travailleurs de l’agriculture). « Tous les autres sont des mouvements régionaux, à l’échelle des Etats et certains n’agissent que dans un municipe ». Il indiquait que ce sont des dissidents du MST qui ont créé le MLST en 1997 : « Il réunit des familles pour revendiquer la terre et n’est qu’un très petit mouvement dont les bases principales se situent dans les Etats de Minas Gerais, São Paulo et Rio Grande do Norte ». Il diffère donc du MST, qui agit dans tout la pays, soulignant qu’il « n’est pas dans la tradition de ces mouvements d’agir avec violence ».

Dans une entrevue d’avril 2005, M.A.Mitideiro, géographe de l’UFPB [3], auteur d’une recherche sur « Les contradictions de la lutte pour la terre : le cas du MLST », expliquait que ce mouvement était « né sous la coordination politique de Bruno Maranhão, un ancien militant du PCBR (Parti communiste brésilien révolutionnaire, maoïste), qui a contribué à la fondation du PT » de Lula.

M.A. Mitideiro rappelle aujourd’hui [4] que le MLST, « comme il est petit, a une structure de pouvoir plus centrée sur des dirigeants nationaux, comme Bruno Maranhão. C’est un noyau stratégique qui pense le mouvement. C’est différent du MST, uni dans la diversité, qui est extrêmement autonome et décentralisé. Ce n’est pas Stédile qui pense les actions, la base ayant son autonomie ». La hiérarchisation verticale et le faible degré d’autonomie du MSLT se révèle dans l’inconsistance des positionnements des adhérents. Ainsi nombre de ceux qui ont participé au 6 juin, ont reconnu qu’ils n’avaient pas été dûment informés et préparés pour cette action. Après l’action, leur leader, Bruno Maranhão, a d’abord proclamé : « Nous ne sommes pas des vandales, mais des militants. Nous voulons transformer ce pays en un pays socialiste, sans exclusion sociale ». Questionné par les journalistes sur son appartenance à la direction du PT, irrité, il a finalement reconnu : « Oui, je suis à la direction du PT ! ». Ce n’est pas un adhérent quelconque : fondateur du parti, membre de l’Exécutif national depuis des années, il est y est secrétaire national chargé des mouvements sociaux !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes :

[1] « Manifestação por reforma agrária termina em quebra-quebra », Carta Maior, 7 juin 2006.

 

 

[2] NERA : Núcleo de Estudos, Pesquisas e Projetos de Reforma Agrária . Centre d’études, de recherches et de projets sur la réforme agraire, créé en 1998, au sein du département de géographie de l’UNESP, Universidade Estadual Paulista - DATALUTA est la Banque de données pour la terre, et est un programme développé par ce centre de recherches.

[3] Universidade Federal da Paraíba

[4] Marco Mitideiro, "Ruralistas e marxistas atrapalharam", Valor Econômico, São Paulo, 12 juin 2006

 

 

 

 

Par Jean-Yves Martin

 

 

 

Source : INFO terra, mensuel édité par Frères des Hommes,

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