Trop de Brésiliens, exclus du système bancaire, ne pouvaient emprunter pour lancer une petite activité. Une récente initiative tente d’y remédier.
Marco Aurélio Batista se réjouit de l’augmentation de l’affluence dans sa petite boutique de cosmétiques située à Ceilândia Norte, dans la banlieue de Brasília. Il est devenu, depuis l’année dernière, l’un des 5 500 correspondants du Banco popular do Brasil, une filiale du Banco do Brasil. Cette “banque des pauvres”, comme l’appellent ses clients, a été créée il y a un an avec le soutien du président Luiz Inácio Lula da Silva dans le cadre d’un vaste programme d’ouverture de crédits à l’intention des personnes à faibles revenus. Les résultats ont dépassé les attentes. Elle est présente dans tous les Etats brésiliens, a accordé à ce jour 30 millions de reais [près de 10 millions d’euros] de prêts et compte aujourd’hui 1 million de clients.
C’est encore peu, comparé aux 40 millions de personnes qui ne savent pas ce qu’est un compte bancaire. “Notre public est composé de travailleurs du secteur non officiel, dont les revenus n’excèdent pas trois fois le salaire minimum [qui est inférieur à 100 euros]”, explique Ivan Guimarães, président du Banco popular. C’est exactement le profil des habitants de Ceilândia Norte, où le nombre de non-bancarisés, selon Batista, ne cesse de diminuer.
Le centre de São Paulo connaît la même évolution. Depuis qu’il est devenu “agent” du Banco popular, Antônio Santos Menezes, propriétaire d’une boutique de location d’ordinateurs multimédia, a vu les mouvements se multiplier par dix. “Nous ouvrons presque 200 comptes par jour, et sans faire de publicité”, se réjouit-il, rappelant que beaucoup de ses clients utilisent également la banque pour payer leurs factures et, bien entendu, faire des emprunts.
Les initiatives qui apparaissent peu à peu dans le secteur bancaire visent toutes à conquérir cette frange de la population située en dehors du marché, composée de consommateurs potentiellement fidèles, qui risquent peu de manquer à leur contrat. La difficulté majeure est de parvenir à une rentabilité voisine de celles des comptes classiques qui, grâce aux taux d’intérêt actuels, ont assuré au marché financier des bénéfices record. “Il n’existe pas de client non rentable. Il faut en revanche étudier le coût approprié pour le rentabiliser”, professe André Rodrigues Cano, responsable du service Banco postal du Banco Bradesco, qui a déjà ouvert 3 millions de comptes, dont 83 % à des personnes aux revenus inférieurs à trois fois le salaire minimum. “Peu à peu, nous apprenons à traiter avec un type de clients que nous ne connaissions pas”, conclut Guimarães. Le Banco popular pense atteindre 10 millions de clients d’ici à 2007.

Lino Rodrigues
Istoé

Article publié dans Courrier international, n°766, juillet 2005

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