Malgré l’existence de plusieurs produits, de nombreux hommes souffrent encore de troubles de l’érection. Un nouveau traitement fondé sur l’action d’un venin pourrait les satisfaire.

Elle porte le joli nom de Phoneutria nigriventer. Elle vient du Brésil et son baiser est vénéneux, mais pas fatal. Jusqu’à présent, ceux qui se faisaient mordre par cette araignée se plaignaient tout au plus de douleurs et d’une certaine gêne. Mais, depuis peu, les services médicaux brésiliens voient affluer plus ou moins discrètement des victimes qui présentent une séquelle pour le moins inattendue : des érections répétées qui se prolongent pendant des heures et des heures. Dame Nature a damé le pion au Viagra, rapportait début mai la revue Live Science, suscitant des espoirs bien compréhensibles.

Une fois de plus, le hasard fait irruption dans le domaine de la prévention scientifique des troubles érectiles, qui concernent 18 millions d’hommes rien qu’aux Etats-Unis, berceau du Viagra et de toutes ses imitations. Mais près d’un tiers des hommes qui présentent un dysfonctionnement érectile faible à modéré et qui ont tenté d’y remédier par le Viagra n’ont pas obtenu satisfaction. La molécule active de ce médicament ne déclenche tout simplement pas chez eux l’effet désiré.
Il est encore un peu tôt pour que la communauté scientifique parvienne à un consensus définitif sur les causes de ce dysfonctionnement, mais ce ne sont pas les hypothèses qui manquent.

Ce venin d’arachnide serait un vrai élixir sexuel

Les médecins ont été les premiers à mettre en garde leurs patients contre un mauvais usage du Viagra et de substances comparables, en l’occurrence utiliser ce traitement non pas pour prévenir des troubles érectiles structurels, mais pour pallier des dysfonctions passagères dues à une consommation excessive d’alcool ou de drogues. Devenu une sorte de panacée et d’antidote à tous les excès, le Viagra peut non seulement perdre son efficacité, mais également devenir peu à peu contre-productif.
Au-delà de la réprobation sociale, la molécule soulève des réserves scientifiques sérieuses. De fait, le Viagra ne sert pas tant à provoquer une érection qu’à la maintenir. Le mécanisme érectile est plus complexe qu’il n’y paraît, et son seul et unique activateur est localisé dans le cerveau.
C’est là qu’est libéré l’oxyde nitrique qui enclenche toute une chaîne biochimique, indiquant à l’organisme comment il doit réagir et s’adapter à la nouvelle situation. Dans cette chaîne intervient une enzyme, la cGMP, dont le rôle est de détendre les muscles qui entourent les corps caverneux du pénis, pour permettre l’afflux de sang qui provoque et entretient l’érection. Un pénis en érection peut présenter une pression sanguine dix fois supérieure à celle d’un pénis au repos.
Mais toute action est suivie d’une réaction. Et cette enzyme chargée d’ouvrir les vannes de la pression sanguine est inhibée par une autre substance, la PDE-5, dont la mission est précisément d’assurer le retour à la normale. Les produits pharmaceutiques comme le Viagra ou le Cialis sont des inhibiteurs de la PDE-5 et, à ce titre, affranchissent l’érection de ce trouble-fête naturel. Ce qui expliquerait peut-être leur inefficacité pour des patients qui ont du mal non pas à tenir l’érection, mais à l’obtenir.

La piqûre de l’araignée brésilienne paraît en revanche très intéressante, car elle intervient très en amont de la réaction en chaîne, au stade des échanges biochimiques qui se produisent sur le site cérébral de l’érection et favorisent la production d’oxyde nitrique. C’est ce qu’ont découvert les chercheurs Rómulo Leite et Kenia Pedrosa, de la faculté de médecine de Géorgie, aux Etats-Unis, au terme d’une étude minutieuse visant à tester les effets du venin de l’araignée chez les rats. Les résultats de cette étude, déjà soumis à l’Association américaine de physiologie, ont été concluants.
Les rats auxquels on a injecté le venin présentaient systématiquement une augmentation considérable de la pression sanguine dans le membre viril et libéraient davantage d’oxyde nitrique. A partir des données actuellement disponibles et dans l’attente de confirmations ultérieures, tout indique que le venin de l’araignée s’apparenterait davantage à un véritable élixir sexuel, alors que le Viagra n’est que le tuteur de l’érection, agissant de façon qu’elle ne faiblisse pas. Les patients et les spécialistes, et surtout les laboratoires pharmaceutiques, rêvent déjà d’un cocktail explosif des deux principes actifs, l’alpha et l’oméga.

Anna Grail

ABC

Paru dans Courrier international, hebdo n°865, du 31/05/07

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